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Les images du vernissage du mardi 3 juin 2014

à la Galerie des Origines avec Léonard Gianadda 

 

Présentation de l'exposition

Tradition, mémoire, audace, excellence et partage, tels sont les fondements d’une action mise au service d’une passion pour l’archéologie. Cette passion puise son origine dans la fascination exercée par les vestiges d’un monde disparu, quand, enfant, Léonard Gianadda jouait parmi les ruines d’un amphithéâtre antique dans le quartier du Vivier à Martigny et, à l’âge de 15 ans, dans un éblouissant voyage en Italie avec sa mère et ses frères, qui lui révèle la beauté de l’Antiquité et la profondeur de l’Histoire. Premières rencontres avec le destin. Plus tard, jeune étudiant à l’Ecole Polytechnique de Lausanne, Léonard Gianadda conduit des fouilles archéologiques sous la responsabilité d'Edgar Pélichet, archéologue du canton de Vaud à Yens sur Morges.

 

En 1976, alors qu’il dirige sa propre société d’ingénieurs, il achète un terrain proche du Vivier pour y bâtir un immeuble. Les fouilles préliminaires aux travaux décèlent alors des vestiges qui sont les restes d’un temple antique. Dilemme pour le chef d’entreprise issu d’une famille de bâtisseurs : raser ce site ou le conserver ? Le destin se manifeste là encore en renouant la pierre à la mémoire. Pierre Gianadda, le frère si proche, meurt en été 1976 dans un tragique accident d’avion en voulant porter secours à ses camarades. Léonard décide alors de sauver la mémoire du temple et de donner à ce lieu le nom de son frère pour perpétuer son souvenir. Il bâtit autour des vestiges du temple un musée qui exposera les découvertes archéologiques faites à Martigny et qui comportera également des galeries pour des expositions temporaires de peinture et de sculpture. Avec la même approche entrepreneuriale, le même engagement et la même vision qui l’animent dans son travail de bâtisseur, il érige ainsi une fondation en hommage à son frère.

 

La Fondation Pierre Gianadda devient rapidement l’un des principaux carrefours des arts en Suisse (sculpture, peinture, musique) et jouit d’une renommée internationale. En témoigne son taux de fréquentation : en 35 ans d’existence la Fondation Pierre Gianadda a accueilli plus de 9 millions de visiteurs, soit une moyenne journalière de 700 personnes. Elle abrite aussi le premier musée archéologique de Martigny. Outre les principales découvertes faites à Martigny, le musée présente les célèbres grands bronzes d’Octodure (tête de taureau tricorne) découverts en 1883, des pièces du trésor de la Délèze, une réplique de la Vénus de Cnide de Praxitèle … La Fondation se trouve par ailleurs sur le parcours d'une intéressante promenade archéologique qui conduit les visiteurs à travers le site antique : Domus Minerva, amphithéâtre de 5000 places, thermes, sanctuaires de Mithra …A chaque fois, ces découvertes ont nécessité de Léonard Gianadda de modifier des projets de construction, plans et implantations.

 

Dès le début, Léonard Gianadda veut consacrer une place de choix à la musique au sein de la Fondation. Le bâtiment possède une excellente acoustique et un emplacement lui permettant d’accueillir les meilleurs orchestres. Au fil des ans, les plus grands se sont succédés. Pour ne citer que quelques-uns : Yehudi Menuhin, Mstislav Rostropovitch, Isaac Stern, Barbara Hendricks, Alfred Brendel, Radu Lupu, Maurice André, Daniel Barenboïm, Cecilia Bartoli … La Fondation est également l’écrin de prestigieuses expositions temporaires, en collaboration avec les plus grands musées internationaux. Des expositions ont ainsi été consacrées à Picasso, Klee, Degas, Chagall, Goya, Matisse, Kandinsky et plus récemment, Modigliani en collaboration avec le Centre Pompidou. La sculpture occupe une place de choix avec des expositions temporaires dédiées à Auguste Rodin, Camille Claudel, Fernando Botero, César …

 

Par ailleurs, la Fondation possède un parc de 17’000 m2 dédié à la sculpture du XXème siècle où des œuvres de Calder, César, Brancusi, Ernst, Miró, mais aussi Rodin, forment un parcours initiatique au détour des plantations et des essences du parc.

 

 

Les liens avec Vaison-la-Romaine

 

Lorsque Léonard Gianadda découvre le site archéologique de Vaison-la-Romaine en 1976, il fait un parallèle avec Martigny qui fut également une cité romaine dont témoignent de nombreux vestiges. A l’époque de sa première visite, il apprend que le site de Vaison accueille 100 000 visiteurs par an et est persuadé qu’il faut exploiter la richesse archéologique de Martigny pour en faire un outil de promotion culturel et touristique de la ville.

 

L’avenir lui donnera raison avec le jumelage entre Martigny et Vaison-la-Romaine en 1979. Outre tous les points qui les rapprochent (les deux villes sont d’anciennes cités romaines, proches du Rhône, de grands axes routiers et spécialisées dans la production de vin), l’histoire de la sauvegarde et de la conservation de leur passé antique les a reliées. En effet, le mécène qui avait financé les fouilles de Vaison-la-Romaine au début du XXème siècle, Maurice Burrus, s’était d’abord rendu à Martigny en 1920 afin d’engager des recherches pour retrouver l’amphithéâtre sur le site du Vivier. L’ouverture de ce chantier archéologique lui ayant été refusée, il s’est rendu à Vaison-la-Romaine où durant plusieurs années il a entrepris de financer un vaste projet de restauration archéologique, dont fait partie la reconstruction du théâtre antique, monument emblématique de la ville.

 

Maurice Burrus et Léonard Gianadda sont des entrepreneurs et des mécènes modernes. Tous deux ont non seulement participé au financement considérable des fouilles archéologiques de leur ville, mais ils ont aussi engagé leur réflexion et leur action au service du développement culturel et touristique de leur ville. Léonard Gianadda est diplômé de l’Ecole Polytechnique de Lausanne, Commandeur de la Légion d’Honneur, Commandeur des Arts et des Lettres, membre de l’Institut de France, Académie des Beaux-Arts, ex-membre de la Commission des Acquisitions du Musée d’Orsay, membre de la Commission des Acquisitions du Musée Rodin, membre du Conseil d’Administration du Musée Toulouse-Lautrec d’Albi. 

 

Philippe Turrel

Galerie des Origines

 A quoi sert l’art s’il n’a pas vocation à transmettre la beauté et s’il ne réalise pas la synthèse des sens et de l’esprit ?

A quoi sert l’art s’il ne libère pas l’homme de l’obsession de la durée et du morcellement, pour lui faire éprouver le vrai, le tout et le sublime ?Trois artistes sont présentés en résonance avec l’exposition de Léonard Gianadda. Trois artistes qui sont reliés par leur travail sur la céramique, le bois, la pierre, le béton ou le bronze et par une forme de sincérité qui est celle du métier, du sens de la matière. Comme l’expérience archéologique, l’expérience artistique est vécue comme une soif d’aventure et une recherche de sens liée aux origines de l’homme. Les artistes comme les archéologues cheminent sur leur propre trace comme sur des traces millénaires pour en faire surgir la beauté. On accède par la sensation et l’émotion aux grands mystères de l’humanité : la vie, la mort, le passage, la rencontre, le rêve, la renaissance …

 

Davide Galbiati

« La forme vient de l’intérieur » répétait Rodin. Davide Galbiati est un passeur de songes. Ses oracles passent par la sculpture. Lorsque l’une de ses créations vous regarde, quelque chose vous parvient de loin. Depuis les confins de l’âme. La grâce et l’élégance de ces corps et de ces visages oniriques vous attirent, vous envoûtent et l’apparition ponctuelle de la couleur, surprenante, vient parfois briser la répétition rassurante de l’harmonie des formes.La force et la grâce des créations du sculpteur rappellent aussi que la maîtrise de la matière est autant une contorsion de soi, faite de tensions et de contraintes, qu’une ouverture vers un monde intérieur.

 

 

 

Patricia Meffre

La céramique est née de la rencontre miraculeuse de l’eau, de la terre, du feu et des mains de l’homme. Patricia Meffre se sert de ce matériau ancestral et originel pour confronter les espaces. Le voyage est infini : des confins des déserts aux plus hauts sommets, dans le cours des rivières et dans les profondeurs des océans ou au cœur de la terre, les lignes fines et épurées contournent des volumes sensuels dans une quête d’abstraction et d’absolu.

 

 

 

Un regard pour les métiers d’art.

L’exposition réserve une place aux métiers d’art à travers de travail de deux jeunes créatrices suisses, Julie Crettol Diaz (céramiste) et Christiana Rüttimann (créatrice de bijoux).

 

Julie Crettol Diaz

Les sculptures présentées à la Galerie des Origines « Mémoire et objet » sont mises en forme uniquement à la main, le plus ancestral des outils. Ces pièces prennent vie au pinching (technique de pincement de la terre), à travers des formes abstraites à références tant végétales qu'animales. Des formes primitives qui semblent provenir tantôt de l'infiniment grand, tantôt de l'infiniment petit.

 

 

Christiana Rüttimann

Collection de bijoux “Liens et origines”

 

La collection “Liens et origines”, de bijoux ethno-contemporains, puise dans les origines et se modèle à travers un voyage dans le temps. Une collection en trois temps, liant matières et formes.Réalisée en explorant des matériaux brut et divers, parmi lesquels l’argent, le cuivre et pierres précieuses. Le passé, à la recherche de l’évolution : se développer dans nos capacités. Grandir... Le présent, le point du milieu, dans son besoin d’être.L’individu s’entremêle à une relation interculturelle. Trouver l‘équilibre! L’avenir, boucle la boucle, revient à l’essence de la matière brute, les éléments.L’essentiel.

 

https://www.facebook.com/pages/CR-creation

 

 

Bernadette Stalmans

Galerie des Origines

 

 

Des artistes en résonance avec l’exposition

La Fondation Pierre GIANADDA :
La continuité d’un geste et la fidélité de la mémoire

 

C’est en 1973 que Léonard Gianadda souhaite construire un immeuble qui se serait appelé « Tour Belvédère ». Lors du creusement des fondations de cet immeuble, en mai 1976, sont mis au jour les restes d’un temple indigène constitués d’une cella (le saint des saints du sanctuaire) entourée d’un mur qui la délimitent. Au 1er s. après J.-C., ce temple est intégré dans un enclos. Au cours du temps, furent déposées sur le sol, de nombreuses offrandes (attaches de vêtement, objets divers, monnaies) destinées à Mercure, vénéré dans le sanctuaire.

 

La même année que la découverte du temple, le 31 juillet 1976, survient l’accident qui coûta la vie à Pierre Gianadda, frère de Léonard. A la suite de cet évènement, ce dernier renonce à la construction de l’immeuble. En lieu et place, il décide alors d’édifier un bâtiment dédié à la mémoire de son frère qui préserverait en même temps en son sein les vestiges du sanctuaire gallo-romain. Ce bâtiment, qui sera appelé « Fondation Pierre Gianadda », sera notamment destiné à abriter dans ses galeries les collections d’œuvres antiques provenant des fouilles de Martigny (et plus particulièrement les objets votifs du sanctuaire), ainsi que d’autres collections d’art moderne.On voudrait relever ici l’importance et la richesse des significations symboliques sous-jacentes qu’un tel événement comporte, si étroitement relié à la magnifique réalisation architecturale qui en a résulté.

 

On remarquera tout d’abord la pluralité des sens du mot « fondation » qui, plus que jamais dans ce cas précis, se recoupent, se confondent et se confortent en même temps : 1) « fondation », au sens juridique est « un acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif ». Il s’agit donc de fonder, d’asseoir une donation de biens ; tel fut en effet le cas ici, de par la volonté du fondateur-donateur ; 2) « fondation », au sens propre, désigne les bases sur lesquelles on va poser les élévations d’un bâtiment. On reconnaît donc ici la pleine adéquation du vocable « fonder » entre sa valeur propre et sa valeur morale, juridique. Dans le cas de Martigny, la volonté de fondation de Léonard Gianadda est donc très étroitement liée à la mémoire du défunt frère, puisque son décès a déterminé le changement et la réorientation des intentions initiales. La « Fondation Pierre Gianadda » est devenue en même temps un mémorial, c’est-à-dire un lieu qui matérialise, affiche la mémoire, le souvenir de la personne décédée. Il est tout à fait remarquable que, de nos jours, dans un pays européen comme la Suisse, une personne privée puisse élever la mémoire de son propre frère au rang d’un monument intitulé « Fondation » aussi prestigieux qu’emblématique de pratiques anciennes.

 

On notera en effet à ce propos que de telles donations-fondations existaient bien dans l’Antiquité (fondations de grands tombeaux, mausolées, cénotaphes familiaux, par exemple), ou bien encore pendant la Renaissance italienne, dans la classe aristocratique (fondations d’édifices religieux, chapelles, fondations de messes à la mémoire des proches). On a donc ainsi un acte de fondation concrétisé par la réalisation d’un bâtiment établi sur la mémoire du défunt destiné à en perpétuer le souvenir. Au bout du compte, si cette prestigieuse réalisation est largement exemplaire, comme on vient de le rappeler, elle s’inscrit dans le droit fil d’une tradition (multi)millénaire qui a toujours consisté à enraciner dans le sol, les mémoires, l’hommage aux morts et le rappel de leur présence par le souvenir. Tel est, en tout état de cause, le fil qui relie, de génération en génération, l’humain à l’humanité, par le seul fait que l’Homme est le seul être vivant qui ait conscience de sa propre mort. Manifester par les œuvres matérielles, par les « monuments », cette conscience mortelle, est avant tout un acte d’humilité en même temps qu’une volonté de perpétuation de l’esprit devant la finitude du monde et la ruine de toute chose.

 

Dans le cas de la Fondation Pierre Gianadda , il y a cependant un élément supplémentaire tout à fait exceptionnel qui est celui, on l’a dit précédemment, d’avoir établi, fondé les murs du mémorial sur les restes d’un temple antique (aussi modestes qu’en soient les vestiges). Avec la création du bâtiment-mémorial, il y a de la part de Léonard Gianadda, une volonté de relier celui-ci à la mémoire du passé, et, plus exactement à la mémoire d’un sanctuaire. N’oublions pas que la cella –le cœur du sanctuaire - est elle-même au centre et à la base du bâtiment de la Fondation, dont les murs ont été élevés autour d’elle. On pourrait ainsi considérer qu’il y a eu fondation d’un bâtiment englobant des fondations bien antérieures. Dans cette perspective, il y a donc eu comme une fusion de mémoires entre le mémorial de Pierre Gianadda (propre à la famille Gianadda) et celle d’un lieu de culte témoignant des origines de la ville de Martigny. C’est là que réside la force de la « Fondation » : relier la mémoire familiale, personnelle, aux origines antiques d’une ville : comme s’il s’était agi, afin d’ancrer durablement le mémorial du défunt dans la mémoire humaine, de l’arrimer, de l’attacher à une mémoire bien plus ancienne et plus puissante, à celle d’un monument antique qui est lui-même la manifestation de cultes, de rituels de fondation qui vont s’ancrer dans un passé lointain, précisément « immémorial ».

 

En effet, si l’on regarde le plan de la Fondation, on voit que les murs de celle-ci sont non seulement édifiés autour des infrastructures de la cella, mais qu’elles l’enserrent, la cernent, l’enveloppent, comme pour la protéger, la garder, et surtout en faire le cœur de la Fondation. Lorsqu’on se rappelle que les rituels de fondation des sanctuaires tiennent non seulement compte avec rigueur de la position et de l’orientation géographique du lieu par rapport à la terre et l’espace environnant tout autant que de la position des murs régulateurs par rapport au ciel et aux constellations, on peut penser qu’ainsi, indirectement, la Fondation Pierre Gianadda a intégré l’héritage du lieu sacré de la fondation indigène, et a ainsi repris à son compte (cependant qu’indirectement) le rituel de fondation qui avait dû présider à l’établissement du sanctuaire. On peut même avancer que le fait d’établir les murs du mémorial là-même, en préservant les murs antiques et en les mettant au centre du dispositif architectural, constitue en quelque sorte un nouveau « rituel de fondation ».

 

Peut-on parler pour autant d’une certaine « sacralité » de la Fondation Pierre Gianadda ? Cette notion pourrait paraître quelque peu déplacée dans notre cas, sachant que la notion de « Sacralité » implique rites, rituels, consécration : tel est d’ailleurs le fondement de toute conscience religieuse. Si l’on tient compte du fait que la fondation contemporaine intègre la cella antique en la mettant explicitement en valeur (et en exposant les offrandes qui en proviennent au public dans les galeries du niveau supérieur), on peut parler d’une certaine « sacralisation » du lieu, dans le sens où celui-ci a pu être perçu (et conçu) par le fondateur à la fois comme un mémorial du temple (on pourrait dire aussi « un immémorial » inséré dans le mémorial « humain ») dédié à Pierre Gianadda. Cette sorte de réification de toute mémoire, relève à mon sens autant d’un acte poétique que d’un geste de générosité et de tendresse à l’égard de l’héritage matériel et spirituel du « Passé ».

 

 

Dans le cas présent, la fondation allie tout à la fois la composante mémorielle, conservatrice (au sens patrimonial) et muséographique. C’est en quelque sorte un lieu expérimental de mise en scène patrimoniale au sein d’un espace favorable à l’émergence et la construction du discours (et de la réflexion) historique. Dans le cas de la Fondation Pierre Gianadda, il paraissait intéressant de mettre en exergue ce phénomène complexe d’imbrication de mémoires (un peu comme des poupées gigognes) où le souvenir monumentalisé du défunt a été en quelque sorte agrégé en un lieu intégrant – dans une volonté de continuité – la mémoire d’un lieu de cultes antiques, lui-même emblématique de la mémoire d’une ville, d’un terroir, d’une communauté humaine. Continuité : finalement, tel est bien le maître-mot de tout ce processus : assurer une continuité du geste, de l’acte fondateur destiné au rappel du souvenir dans l’impermanence du temps humain. La Fondation Pierre Gianadda rend un hommage éternel à la communauté humaine de Martigny, en même temps qu’elle reste repliée sur la propre douleur intime et familiale de son fondateur Léonard Gianadda.

 

Joël-Claude Meffre

Archéologue et écrivain

Prix Jean Lurçat Académie des Beaux-Arts

 

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